Mon amie était alors enceinte...
jusqu'aux oreilles, quand le 21 avril 2002 Le Borgne arriva au second tour face au vieux croulant...
je dois confesser (superbe mot de la langue Française quand on y pense) que c'est bel et bien cette triste page de notre histoire commune, qui m'a fait prendre conscience que j'étais Français.
Je m'explique :
Avant, je n'avais jamais tellement prêté attention à tout ça.
Plus jeune, cette idée de citoyen du monde m'avait séduit, ça me convenait, je m'en étais vaguement arrété là.
Seulement voilà,
A peine avais je découvert en moi cette indentité Française, et à peine avais je eu le temps d'en apprécier les contours (ne pas être née dans un pays en guerre, par exemple) que patatra, assistant impuissant à cette déflagration que fut ce 1er tour,
J'ai directos eu honte d'être Français !!!
Ooooh comme clairement je me souviens de ce dimanche soir funeste, où tout en éclusant une bouteille de Zubrowska, en pestant ma rage à la fenêtre (ouverte) en hurlant des "Bande de sale facho de merde !!!", je n'avais de cesse, en mon fort intérieur, de me demander "mais comment en sommes nous arrivés là ?"
Ma concubine, allongée sur le dos, bien obligé avec ce polichinelle dans le tiroir qui allait bientôt naitre dans ce monde de ouf, loin d'être insensible à la situation critique et tout en me lorgnant pester stérilement à ma fenêtre, fini par me dire "Bah alors, bouges tes fesses, ne restes pas planter là, fais quelque chose...."
Paroles, au combien fondatrices quand j'y repense...
Une semaine a séparé le 1er et le 2éme tour d'avril 2002, ce fut pour moi, une semaine de manifestations non stop. Quelque peu abasourdi, j'avais été pris par le besoin irréprécible d'humer l'ambiance de la rue.
Ma première manif', fut directement celle du dimanche soir du 1er tour. Je me souviens dévaler le boulevard Magenta, attraper place de la république la fin d'un cortège qui semblait se diriger vers la Bastille. L'objectif était en fait d'atteindre l'Assemblée Nationale.
Oh toi là avec ta serpillère sur la tête
Je vais te péter la gueule !!!
Assemblée qu'en définitive nous n'atteindrons jamais, les CRS nous disperseront fermement bien avant d'arriver à bon port....
Une fanfare fermait le cortège et nous jouait un air triste, c'était un moment quelque peu suréaliste et une BO tout à fait appropriée...
Puis, des manifs, il y en eu pleins d'autres.
Des grandes, comme celle du samedi (la veille du second tour), à cette même place de la République, que d'ailleurs nous n'avions pas pu atteindrenon plus tellement la concentration de people y était dense dés Jacques Bonsergent.
Et puis j'ai participé à une myriade de micro manif', surtout entre Barbès et Stalingrad.
Réunions populaires, désorganiser, mais riches en enseignements (pas toujours très encourageants d'ailleurs) ou s'entrechoquaient pour le meilleur et pour le pire, la diversité de cette société Française en ébullition.
Je me souviens de cette scène qui d'ailleurs, en y repensant, me glace encore le sang, ou un RG (sur à 100% que s'en était un) sussurait ses instructions à l'oreille d'un petit jeune qui tenait le mégaphone en tête de cortège. Je l'ai vu ce RG lancer des sourires complices à des policiers en civils qui se tenaient aux abords, l'air de dire, c'est de la vraie patte à modeler ces gamins là, on en fait vraiment ce que l'on en veut, c'est trop facile... Manipulation de masse en direct live.
Impressionnant...
Je me souviens aussi d'un moment magique, ou une nuit, déboulant place de la Bastille, je la trouvais comme prise en otage par une poignée d'anar', qui avaient allumée un grand feu, sur la colonne de juillet, et qui dansaient tout autour, torses nues, comme pris d'une transe tribal... Un des rares moment de ma vie ou, sur Paris, j'ai eu le sentiment qu'une digue avait laché et que le "pouvoir" n'était peut être pas si robuste qu'il le prétendait et que des possibles étaient envisageables...
Bref
La détonation de ce mois d'avril résonne encore à mes oreilles.. De là à dire que la raison d'être de ce blog est (en parti) liée à cette honteuse page de notre histoire de France (j'insiste), il n'y a qu'un pas... Que vous pouvez franchir gaillardement...